De la durabilité en architecture...
Toute architecture repose sur des notions fondamentales de fonctions, de matériaux et de techniques : les usages auxquels elle doit répondre ; les ressources et les savoir-faire auxquels elle fait appel. La démarche de l’architecture durable intègre ces notions et renvoie donc plus spécifiquement à la prise en compte des enjeux environnementaux et climatiques de notre époque. Elle consiste à considérer que les changements de modes de vie qu’ils imposent, passent notamment par le développement d’architectures qui répondent à cette nouvelle problématique.
Partant de cette orientation générale, les architectures peuvent être dites durables lorsqu’elles intègrent un certain nombre de critères convergeant vers la réduction de l’impact environnemental et l’optimisation des conditions d’utilisation des bâtiments : gestion durable des matières premières, économies d’énergies, confort, santé et bien-être, durée de vie, recyclabilité, etc. De l’application de ces critères dépend le niveau de performance environnementale des architectures. Des méthodes et outils permettent aujourd’hui de la mesurer en observant le cycle de vie complet du bâtiment.
La démarche de l’architecture durable consiste aussi généralement à porter un regard attentif aux architectures traditionnelles. Plutôt que de s’inscrire en rupture avec le passé, les cultures, les identités et les ressources locales, il s’agit donc au contraire de valoriser les siècles d’études empiriques des milieux, de développement de savoir-faire et de modes d’habiter. Dominique Gauzin-Müller explique à ce sujet que les architectures traditionnelles sont « la manifestation d’un savoir-faire séculaire transmis et amélioré de génération en génération. Cette architecture, dite vernaculaire, est une science du concret. Il convient de méditer son enseignement, de le perpétuer, mais aussi de l’enrichir et de le prolonger. » Extrait de « Architecture écologique ou architecture durable », Encyclopaedia Universalis. Dominique Gauzin-Müller c’est vu remettre en 2007 par l’Académie d’architecture (France) le Prix Dejean pour ses études et recherches sur l’application des principes du développement durable à l’architecture et à l’urbanisme.
Des spécificités sahéliennes...
Au Sahel, nous relevons deux principaux phénomènes convergeant :
1/ L'inadéquation des pratiques constructives récentes :
L’immense majorité des bâtiments de styles récents (par opposition aux styles traditionnels) réalisés au cours des 60 dernières années n’ont pas su s’adapter aux conditions environnementales et climatiques locales. Directement inspirés de modèles occidentaux, tant en termes de matériaux utilisés que de systèmes constructifs et d’organisations spatiales, ces bâtiments se sont souvent posés en rupture avec les savoirs et pratiques vernaculaires et n’ont pas permis de réponses adaptées et durables.
« Ces modes de construction mal adaptés ont entrainé une dégradation des conditions de vie des populations dans les périodes chaudes, encore aggravées du fait du changement climatique. S’amorce, par voie de conséquence, une tendance au développement de la climatisation, notamment dans le tertiaire public pour parer à la mauvaise qualité de conception ». Étude préliminaire d’adaptation aux changements climatiques en Afrique – Bâtiments. Contribution au projet négociation climat pour toute l’Afrique réussie (NECTAR). Étude réalisée par le GRET pour l’Organisation Internationale de la Francophonie, avec l’appui du PNUE. 2009.
2/ La fragilisation des écosystème et la dégradation des habitats traditionnels :
Sur l’ensemble de la bande sahélienne, l’environnement naturel, et notamment ses ressources ligneuses, a été considérablement impacté ces dernières décennies sous l’action combinée de la sécheresse et de l’homme. Si la coupe du bois à des fins énergétiques est considérée comme la première responsable, le secteur du bâtiment porte lui aussi une part non négligeable de responsabilité.
La raréfaction des ressources ligneuses affecte toute la région sahélienne, partout où les solutions constructives vernaculaires reposaient pour tout ou partie sur ces ressources. C’est principalement pour cette raison que les systèmes de couvertures traditionnels sont de moins en moins possibles en milieu rural et qu’un nombre croissant de toitures est actuellement réalisé en tôles importées, peu couteuses (généralement de mauvaise qualité et donc peu résistantes). Ce phénomène impact donc directement la qualité des habitations, notamment sur le plan du confort, et les ménages subissent beaucoup plus durement les conditions climatiques : fortes chaleurs, froid, pluies et vents.
Ces réalités mettent en évidence les enjeux liés à l'identification et la promotion de nouveaux modèles d’habitats durables "sahéliens" qui permettront tant d’atténuer les effets des changements climatiques (réduction de la consommation d’énergie et de l’émission des gaz à effet de serre) que de s’y adapter (amélioration du confort d’usage). C’est le plus souvent en réponse à cette problématique que des systèmes constructifs utilisant des arcs, des voûtes et des coupoles réalisés en terre crue ont été introduits en Afrique Sahélienne de l'ouest dès la fin des années 70, et sont depuis de plus en plus couramment utilisés. Ils permettent effectivement des solutions constructives, et de couvertures notamment, ne nécessitant aucunes ressources ligneuses, ni matériaux industriels importés.
De notre pratique...
Al-Mizan s'est spécialisé au fil des ans dans les architectures de terre crue recourant aux toitures à compression de type voûtes et coupoles. La très large majorité de nos projets "neufs" s'inscrit dans cette catégorie.
Par ailleurs, et même si la pratique est moins vertueuse en termes de durabilité, il nous arrive aussi d'intervenir sur des projets de "réhabilitation" ; nous le faisons alors dans une optique d'amélioration du cadre de vie des usagers, en essayant toujours de recourir au moins partiellement à des matériaux locaux mis en œuvre par des artisans locaux.